InTERSTICES | EXPOSITION
Musée DES ARTS ASIATIQUES DE TOULON
16 MAI - 30 AOUT 2025 -> PROLONGATION jusqu’au 18 octobre 2025
> programmation officielle du FESTIVAL OFF des RENCONTRES d’ARlES 2025 <
INTERSTICES
Cette exposition que j’ai l’honneur de présenter pour la première fois au Musée des Arts Asiatiques de Toulon revêt pour moi une dimension profondément intime, à la croisée de mon parcours de vie et de mon cheminement artistique. A travers l’histoire traumatique du Japon, elle porte en elle une part de ma propre histoire, et c’est avec émotion et humilité que je la dévoile aujourd’hui.
La série Interstices s’appuie sur la notion japonaise du ma (間) qui désigne l’intervalle, la durée, la distance, non pas comme une séparation mais comme ce qui relie et crée du lien entre les choses, les êtres, les époques et les lieux. Dès lors, la vérité photographique ne réside pas uniquement dans ce que représente l’image, mais dans ce qu’elle dégage, ce qu’elle évoque et fait ressentir à chacun selon son histoire et sa sensibilité. Elle existe dans les interstices, ces liens invisibles qui relient les images entre elles, mais aussi, plus largement, dans les liens universels - émotionnels, spirituels, sensoriels - qui unissent les êtres humains.
Réalisées lors de mes pérégrinations entre Nagasaki, Tokyo et l’île sauvage de Yakushima en 2015, les photographies présentées révèlent un Japon intimiste, fait d’instants suspendus où le temps et l’espace se mêlent et se distendent, et où le matériel et le spirituel se confondent. Prises avant la maladie, ces images ont soudainement résonné en moi avec une intensité inattendue. Bien que dissociées dans le temps et l’espace, leur dialogue raconte des destins croisés, tissant une toile invisible mêlant l’histoire meurtrie du Japon à la mienne.
Interstices est ainsi un voyage à travers l’invisible, une invitation à transcender la réalité photographiée pour ressentir ce qui ne se voit pas, explorer l’intangible et l’émotionnel, et éprouver ces liens invisibles qui nous unissent tous.
Ma pratique photographique a toujours été instinctive, viscérale.
Je n’ai jamais su pourquoi je prenais des photos, elles s’imposent à moi, sans que je les cherche ni les conscientise. C’est souvent lors de leur développement - subvenant la plupart du temps des années après la prise de vue - que je les découvre et c’est dans leur dialogue que leur message m’apparaît.
Je pense que la photographie - comme tout art - est faite d’une grande part d’inconscient qui peut se révéler au conscient au moment où notre propre évolution ou chemin de vie fait que nous sommes prêts à décrypter les signes que nous avons intuitivement ressentis.
Il y a quelques années, j’ai traversé la maladie, et ces photographies du Japon, prises avant celle-ci, ont résonné très fortement et émotionnellement en moi de manière inattendue.
Telles une métaphore du cycle de vie de chaque âme sur terre, elles parlent de joie, de vie, d’insouciance, de déflagration, de mort, de déchéance, de souffrance, d’espoir, d’impulsion de vie, d’amour et de renaissance.
Elles parlent de temps suspendu, d’introspection, de transformation, d’évolution et de résilience face à l’adversité.
Et plus particulièrement, elles parlent de ces brèches qui s’ouvrent dans les champs de ruines dans lesquelles on s’engouffre parfois à l’aveugle pour chercher notre salut, de ces interstices qui permettent aux lueurs de s’infiltrer dans l’obscurité et nous amènent à renaitre à nous-mêmes, et à la vie.